Boulimie
Dernière modification : 04.10.2021
Ce trouble du comportement alimentaire se manifeste sous la forme de pulsions, appelées aussi crises, auxquelles la personne boulimique ne peut résister.
Sémiologie
La boulimie touche environ 1,5 % des 11–20 ans et concerne environ trois jeunes filles pour un garçon.
Les crises de boulimie se définissent par :
- une compulsion irrépressible et angoissante de faim,
- l'absorption d’une quantité anormalement élevée et rapide, très difficile à contrôler d'aliments hypercaloriques surtout mais pas exclusivement,
- souvent de vomissements provoqués avec sensation de soulagement, fatigue intense avec somnolence,
- un sentiment intense et douloureux de culpabilité,
- une conscience du trouble.
S'y associent des stratégies de contrôle du poids :
- des vomissements provoqués, des consommations de laxatifs, de diurétiques, une restriction alimentaire « inter-crise ».
- se manifestant par des fluctuations pondérales rapides de l’ordre de 2 à 5 kg par semaine.
Et des distorsions cognitives telles que :
- un trouble de l’image du corps avec des préoccupations concernant le poids et les formes corporelles.
- l'envahissement et la peur excessive de prendre du poids.
- un phénomène de renforcement négatif lié à la culpabilité.
Diagnostic positif
Survenue d’épisodes récurrents d’ hyperphagie incontrôlée :
- Absorptions alimentaires largement supérieures à la moyenne et en peu de temps,
- Impression de perdre le contrôle des quantités ingérées ou de la possibilité de s’arrêter.
- Mise en œuvre de comportements compensatoires visant à éviter la prise de poids.
Fréquence moyenne d’au moins 1 fois par semaine durant au moins 3 mois.
Estime de soi est perturbée de manière excessive par la forme du corps et le poids.
Trouble ne survenant pas exclusivement au cours d’une période d’anorexie mentale.
Diagnostics différentiels
- Tumeurs cérébrales, épilepsies,
- Syndrome de Klein Levin (associant hypersomnie périodique et hyperphagie ),
- Syndrome de Klüver-Bucy ( agnosie visuelle, hyperoralité, hypersexualité et hyperphagie ),
- troubles de l' humeur , troubles de la personnalité,
- Obésité métabolique ou génétique,
- Anorexie mentale de type accès hyperphagiques/purgatif.
Comorbidités
- Troubles addictifs : alcool, cannabis, amphétamines, cocaïne, drogues de synthèse, opiacés, psychotropes...
- Trouble dépressif, trouble bipolaire,
- Trouble de la personnalité borderline ,
- Risque suicidaire,
- Troubles anxieux : trouble anxieux généralisé, trouble de l'adaptation, trouble obsessionnel compulsif, trouble panique, trouble stress post traumatique et trouble phobique (phobie sociale).
Complications
- Syndrome pseudo-occlusif,
- Hypertrophie des glandes salivaires, érosions dentaires, oesophagites peptiques et syndrome de Malory Weiss,
- Prise de poids (voire exceptionnellement obésité),
- Mauvais états nutritionnels, voire dénutrition,
- Ostéoporose, notamment si aménorrhée,
- Troubles hydroélectrolytiques (hyponatrémie, hypokaliémie, hypocalcémie),
- Insuffisance rénale fonctionnelle et oedème, surtout associés aux vomissements.
Évaluation
Le repérage et la prise en charge précoces de l’anorexie mentale sont recommandés pour prévenir le risque d’évolution vers une forme chronique et les complications somatiques, psychiatriques ou psychosociales, en particulier chez les adolescentes.
Dépistage en population générale :
Il est recommandé :
- de suivre systématiquement les courbes de croissance en taille, poids et corpulence chez les enfants et adolescents pour identifier toute cassure des courbes et calculer leur l’indice de masse corporelle2 (IMC) ;
- de calculer et suivre l’IMC chez les adultes.
Dépistage chez les populations à risque (étudiants, sportifs, personnes en situation d’insuffisance pondérale ou d’obésité etc…) :
- poser systématiquement une ou deux questions simples sur l’existence de TCA telles que : « avez-vous ou avez-vous eu un problème avec votre poids ou votre alimentation ? » ou « est-ce que quelqu’un de votre entourage pense que vous avez un problème avec l’alimentation ? » ;
- ou d’utiliser le questionnaire SCOFF-F où deux réponses positives sont fortement prédictives d’un trouble du comportement alimentaire.
Recherche des signes de gravité, des comorbidités et des complications :
- examen clinique complet
- ECG, hémogramme, ionogramme
- comorbidités psychiatriques & risque suicidaire
Conduite à tenir
Quand adresser à un addictologue, à un psychiatre ?
- la prise en charge est multidisciplinaire,
- le médecin traitant peut se positionner en médecin coordinateur de la prise en charge,
- il convient d'associer à la prise en charge un médecin gérant les aspects somatiques (qui peut être le médecin de premier recours) et un psychiatre, pédopsychiatre ou psychologue,
- l'orientation vers des soins spécialisés dans les troubles alimentaires pourra se faire en cas de besoin d'un avis diagnostique ou thérapeutique, ou pour assurer la coordination des soins.
Les objectifs de la prise en charge sont :
- la recherche d’une alliance thérapeutique,
- l'information sur la boulimie et ses complications, les ressources et lieux d'aides disponibles,
- la prise en charge des comorbidités psychiatriques et non psychiatriques,
- la renutrition si nécessaire.
Attention au syndrome de renutrition inapproprié.
L'intervention psychosociale consiste en :
- une psychoéducation,
- l'entretien motivationnel peut être utilisé pour aider à l'adhésion au traitement et aux changements de comportement,
- la thérapie de soutien est utile tout au long du suivi,
- les thérapies systémiques familiales, les thérapies cognitives et comportementales peuvent être indiquées
- il existe des programmes d’auto-assistance : livres, site internet…
Adresser aux urgences / en hospitalisation si :
- risque suicidaire élevé, automutilations ,
- modification brutale du poids ou cassure de la courbe de croissance, sévérité des crises et fréquence élevée (> 8/sem), conduite compensatoire mettant en danger la vie du patient,
- état de mal boulimique, signes cliniques de dénutrition, hypotension artérielle ou troubles du rythme cardiaque, incapacité à contrôler les crises qui deviennent pluriquotidiennes, incapacité à contrôler les comportements compensatoires (activité physique ou vomissements),
- anomalies de l’ECG, atteinte hépatique sévère, troubles hydroélectrolytiques ou métaboliques sévères, insuffisance rénale et déshydratation,
- comorbidités sévères,
- échec de la prise en charge ambulatoire,
- isolement, épuisement de l'entourage.
Traitement médicamenteux :
- Les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la sérotonine ) peuvent être proposés en deuxième ligne chez les adultes (en cas d’impossibilité d’accéder à une psychothérapie structurée et en l’absence de contre-indication) et toujours en association avec une prise en charge psychologique et multidisciplinaire.
- Les traitements antidépresseurs ou antipsychotiques peuvent être indiqués en cas de comorbidités psychiatriques mais sont à utiliser avec prudence sur un terrain dénutrition (allongement du QT).
Références
HAS, Boulimie et hyperphagie boulimique, Recommandations de bonne pratique, juin 2019.
AESP, CNUP, & CUNEA. (2021). Référentiel de Psychiatrie et Addictologie (3e édition conforme au nouveau programme) Psychiatrie de l’adulte. Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Addictologie (Presses Universitaires François Rabelais).
The Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (5th ed.; DSM–5; American Psychiatric Association [APA], 2013).