Trouble de stress post-traumatique
Dernière modification : 18.12.2024
Le diagnostic du trouble stress post-traumatique (TSPT) repose sur l’exposition à un événement traumatique associée à un carré symptomatique évoluant depuis plus d’un mois.
Sémiologie
Un événement traumatique est défini comme un "événement brutal et soudain au cours duquel on est exposé à la mort ou menacé de mort, ou encore où l'on subit de graves blessures ou des violences sexuelles".
Cela peut être soit en étant directement exposé à l’évènement (vivre soit même l'événement), soit en étant témoin direct de celui-ci (être un témoin direct de quelqu'un qui vit l'événement), soit en apprenant que cela est arrivé à un proche ou enfin en étant exposé de manière répétée à des événements aversifs (SAMU, pompiers, policiers, etc…).
Comprendre et savoir reconnaitre un événement traumatique est très important, puisque le TSPT ne peut survenir qu'après celui-ci. Par exemple, vivre ou être témoin d'un accident de voiture avec un risque de décès ou de blessures graves - même si, en tant que témoin, les personnes impliquées nous sont inconnues - est potentiellement à risque de TSPT ; apprendre que l'on a une maladie incurable ou encore apprendre le décès d'un proche, ne le sont pas forcément. La peur intense, l'impuissance et l'horreur sont présents lors de ces événements.
La sémiologie du trouble de stress post-traumatique associe :
- Les reviviscences de l'événement (critère B) : le sujet revit l'événement sans le vouloir, avec les émotions, les cognitions , les sensations corporelles et les réactions physiques proches, voir identiques à celles vécues lors de ce dernier. Cela se produit soit la journée (allant de simples souvenirs intrusifs à des flashbacks dissociatifs où le sujet perd le contact avec la réalité actuelle) soit la nuit (avec des cauchemars dits "traumatiques" où le sujet revit l'événement, pouvant le réveiller).Au décours de ces reviviscences, il existe une détresse psychique et physiologique intense.
Souvent, les reviviscences sont déclenchées par des "indices" internes ou externes présents lors de l'événement (par exemple, le bruit d'un pétard peut déclencher des reviviscences chez un militaire qui a vécu un attentat à la bombe).
A noter que les reviviscences sont souvent psychiques, mais peuvent aussi être sensorielles. Les cauchemars traumatiques ne doivent pas être confondus avec des cauchemars "classiques".
- un syndrome d’évitement (critère C) : le sujet fait tout pour éviter de se rappeler l'événement et ainsi déclencher les reviviscences . Cela se caractérise par l'évitement dit "comportemental" (évitant les indices externes tels que les personnes, les lieux, les situations ou les circonstances similaires à l'événement traumatique) mais aussi l'évitement dit "cognitif" (évitant les indices internes telles que les pensées ou les émotions similaires à l'événement traumatique).
L'évitement cognitif n'est pas facilement détectable… il peut s'agir de personnes s'occupant énormément la journée " pour ne pas y penser", ou encore des personnes modifiant leurs habitudes (par exemple, une personne ayant été braquée avec une arme qui ne regarde plus de séries policières …).
- Des altérations des cognitions et de l’ humeur (critère D) tels qu'une incapacité à se souvenir d'éléments importants de l'événement (un patient peut avoir "un trou noir" dans le récit, sautant d'une scène à une autre), des croyances ou attentes négatives persistantes et exagérées à propos de soi-même, d’autrui ou du monde (penser être "faible", penser que "tous les hommes sont dangereux", etc…), des idées déformées persistantes concernant la cause ou les conséquences de l’événement traumatisant (une victime de viol peut penser que "cela est de sa faute car elle était alcoolisée à ce moment-là"), un état émotionnel négatif persistant, une réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes, des sentiments de détachement ou de devenir étranger par rapport aux autres (les patients rapportent souvent que "personne ne peut les comprendre" et se sentent seuls), et une incapacité persistante de ressentir des émotions positives (y compris envers leurs proches).
Il est important au vu du critère D, de ne pas confondre dépression et TSPT.
- De profondes modifications de l’état d’éveil et de la réactivité telles qu'une irritabilité, un comportement imprudent ou autodestructeur, une hypervigilance, des réactions de sursauts exagérés, des troubles de la concentration ou encore des troubles du sommeil.
Les troubles du sommeil concernent les difficultés à s'endormir ou à rester endormi, indépendamment des cauchemars traumatiques. En effet, il n'est pas rare que les patients se réveillent en sueurs sans se rappeler des cauchemars, ou encore qu'ils luttent contre l'endormissement, de peur d'en faire.
Diagnostic positif
- Exposition au critère A,
- Carré symptomatique (critères B, C, D et E).
- Les symptômes durent plus d'un mois
- Souffrance cliniquement significative ou altération du fonctionnement social ou professionnel.
Formes cliniques
Chez l'enfant de moins de 6 ans :
La définition de l'exposition à un événement traumatique est d'avoir été confronté à la mort ou à une menace de mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles d’une ou plusieurs façons suivantes :
- en étant directement exposé à un ou plusieurs événements traumatisants ;
- en étant témoin direct d’un ou plusieurs événements traumatisants survenus à d’autres personnes, en particulier des adultes proches qui prennent soin de l’enfant ; NB être témoin direct n’inclut pas les événements dont l’enfant a été témoin seulement par des médias électronique, TV, films, images ;
- en apprenant qu’un ou plusieurs événements traumatisants sont arrivés à un membre de sa famille proche ou une personne prenant soin de l’enfant.
Les autres critères diagnostiques sont similaires à ceux des plus de 6 ans, adolescents et adultes.
TSPT complexe :
Le TSPT peut être dit "complexe" quand les événements traumatiques sont répétés dans le temps et/ou infantiles. Dans ce contexte, la clinique du TSPT est présente, mais accompagnée de trois autres signes :
- Un trouble de l'identité (avec éléments dissociatif tels que des troubles somatoformes, une dépersonnalisation , une déréalisation , une amnésie dissociative, …)
- Un trouble des affects (avec une difficulté à réguler l'état affectif, c'est à dire soit de diminuer les affects négatifs lors d'adversités, soit d'avoir conscience ou d'accepter son état émotionnel)
Un trouble de la relation interpersonnelle (avec une insécurité permanente ressentie lors de la relation à l'autre ; souvent associé à un trouble de la personnalité état limite).
Diagnostics différentiels
- Trouble de stress aigu : symptomatologie identique mais qui dure entre 3 jours et 1 mois après l'événement. Il est dans la plupart des cas spontanément résolutif.
- Épisode dépressif caractérisé (intrication avec le critère D)
- Trouble anxieux, notamment le TAG, la phobie sociale ou le trouble panique (les ruminations peuvent être prises à tort pour des reviviscences , l'évitement ou la détresse physique et/ou psychique du TSPT peuvent mimer une phobie sociale ou un trouble panique)
- Deuil ( reviviscences du TSPT souvent confondues avec les ruminations et/ou les pensées envers le défunt)
- Les hallucinations (entrant dans le cadre d'un trouble psychotique ou non) souvent confondues avec les reviviscences .
Comorbidités
Trois complications fréquentes :
- Suicide
- Trouble dépressif
- trouble addictologique (y compris troubles du comportement alimentaire)
Troubles anxieux
Troubles à expression somatique
Troubles du sommeil
Évaluation
La question suivante peut aider :
"Avez-vous déjà vécu un événement où vous avez été confronté à la mort, à la peur de mourir ou à l'atteinte de votre corps ?" Donnez des exemples, comme avoir eu un accident grave, avoir été agressé sexuellement ou être témoin de choses de ce genre.
Si oui : "est ce que les images reviennent en tête, le jour ou en cauchemars, sans le vouloir ?"
La post-traumatic disorder checklist version DSM-5 (PCL5) est un autoquestionnaire en 20 items utilisé pour le diagnostic ou le suivi de patients avec un TSPT.
Conduite à tenir
Quand adresser à un psychiatre ?
- Devant un état de stress aigu qui se prolonge au delà de 2 semaines,
- Devant un TSPT avéré ou suspecté,
- Devant un risque suicidaire suspecté ou avéré,
- Devant une symptomatologie sévère, des comorbidités importantes.
Au décours d’un événement traumatique :
Lors d'un événement traumatique, il peut exister un état de stress dépassé (sidération, agitation , fuite panique et réaction automatique). Il peut aussi y avoir des symptômes de dissociation (distorsions temporo-spatiales ; déréalisation , dépersonnalisation , amnésie lacunaire, …). Ces conditions péri-traumatiques, qui peuvent durer de quelques minutes à plusieurs jours, sont associées à un risque plus élevé de développer un TSPT.
Il s'agit donc principalement :
- de repérer ces conditions péri-traumatiques
- d'identifier les personnes les plus vulnérables face au risque de développer un TSPT (trouble psychiatrique comorbide, ATCD traumatiques, …)
- de soigner les symptômes d'un trouble de stress aigu ou une dissociation (l'hydroxizine est utilisée en pratique mais n'a pas l'AMM pour cette indication)
- d'expliquer au patient ce qu'est un TSPT
- de donner les coordonnées du Centre Régional Psychotrauma (CRP) dont le patient dépend et des associations et groupes de pairs.
- Il est possible de réaliser un certificat médical initial.
Un trouble de stress aigu est souvent spontanément résolutif en quelques jours à 2 semaines. Il convient donc de rassurer le patient : expliquer le diagnostic et son évolution.
Les Cellules d’Urgence Médico-Psychologiques (CUMP) sont un dispositif sanitaire spécifique de prise en charge précoce des blessés psychiques (ou « impliqués ») dans les situations d'urgence collective (accidents catastrophiques, catastrophes, ou encore attentats). Les CUMP interviennent dans le cadre du SAMU ou d'un déclenchement préfectoral. Les CUMP sont départementales et organisées en un réseau national de l'urgence médico-psychologique.
Dans le cas d'agressions (physiques et/ou sexuelles) : obligatoirement contacter l'UMJ (unité médico-judiciaire).
Devant un trouble de stress post-traumatique :
- Toujours adresser le patient au Centre Régional Psychotrauma (CRP) dont il dépend.
- Psychotérapies (thérapies cognitivo-comportementales centrées sur le traumatisme, thérapies d’exposition prolongées, Eye movement desensitization and reprocessing (EMDR))
- Antidépresseurs de type ISRS
- La prazosine est parfois utilisée pour les cauchemars traumatiques (hors AMM)
Le dépistage et le traitement des troubles du sommeil associés est essentiel.
Références
AESP, CNUP, & CUNEA. (2021). Référentiel de Psychiatrie et Addictologie (3e édition conforme au nouveau programme) Psychiatrie de l’adulte. Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Addictologie (Presses Universitaires François Rabelais).
The Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (5th ed.; DSM–5; American Psychiatric Association [APA], 2013).
Ressources
Questionnaire du sommeil
Pour préciser la plainte de sommeil chez les patients dont les troubles durent depuis plus de 3 mois.
Post-traumatic disorder check list scale (PCLS)
La PCLS est une auto-évaluation comprenant 20 items qui mesure les 20 symptômes d’ESPT du DSM-5. D'une durée de passation de 5 à 10 minutes, on considère un score supérieur à 44 pour le diagnostic de TSPT avec une sensibilité de 97 % et une spécificité de 87 %.
Quand traiter le psychotraumatisme ?
Article paru en 2008 dans la presse médicale références par le professeur Guillaume Vaiva.