Urgence suicidaire
Dernière modification : 04.10.2021
Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans et la première cause de mortalité chez les 25-34 ans. Un jeune sur 10 a eu des idées suicidaires dans l’année et un jeune sur 10 a fait une tentative de suicide dans sa vie.
Sémiologie
La crise suicidaire est une crise psychique dont le risque majeur est le suicide .
Le sujet se retrouve en situation de dépassement de ses moyens d'adaptation en lien avec une vulnérabilité préalable.
Cet état est réversible et temporaire.
NB : Il est recommandé de ne plus employer les termes suivants en raison de leur imprécision, de leur caractère trompeur ou de leur connotation stigmatisante : suicide accompli ou réussi, tentative de suicide ratée, autolyse, menace suicidaire, parasuicide, chantage au suicide, commettre un suicide ou une tentative de suicide, récidive suicidaire, idée noire.
La crise suicidaire est un processus dynamique.
La clinique de la crise suicidaire est caractérisée par :
Des signes aspécifiques de souffrance psychique
Des propos suicidaires
Parmi les signes aspécifiques on peut retrouver par exemple :
- des signes affectifs tels que des symptômes dépressifs ou anxieux, un retrait par rapport aux marques d'affection,
- des signes comportementaux tels qu'un isolement, des consommations de substances, des conduites à risque, la recherche de moyens létaux,
- des signes cognitifs et intellectuels tels qu'une réduction du sens des valeurs, un cynisme, un gout pour le morbide.
L'accumulation de ces signes leur apparition ou leur aggravation brutale doivent alerter le médecin.
Étiologie
La vulnérabilité suicidaire repose sur l'intégration des facteurs de risque que sont :
- les antécédents personnels de tentative de suicide ,
- les antécédents familiaux de tentative de suicide et de suicide ,
- l’existence d’un trouble psychiatrique et/ou d’un trouble lié à l’usage de substance,
- l’existence d’un trouble de santé physique ou d’une maladie chronique,
- le recours aux automutilations ,
- la présence de difficultés d’ordre familial, notamment le défaut de cohésion familiale, la présence de conflits intrafamiliaux.
Les facteurs de protection peuvent être :
- des facteurs de protection familiaux (cohésion familiale, qualité des relations),
- le soutien social,
- la spiritualité et les croyances religieuses.
- les stratégies de coping (capacités de recherche d’aide, de résolution de problème, investissement scolaire ou professionnel)
Formes cliniques
Ne jamais banaliser l'expression d'idées suicidaires quelque soit l'âge.
La crise suicidaire chez l'enfant :
- Les signes de souffrance psychique aspécifiques peuvent être des manifestations internalisées (repli) ou externalisées (agressivité, irritabilité, stagnation ou régression développementale)
- Les signes spécifiques sont les propos suicidaires, les prises de risque, les mises en danger (qui peuvent prendre la forme d'un accident domestique)
Il est possible d’avoir des idées suicidaires ou de tenter de se suicider sans avoir une représentation de la mort.
- Les facteurs de vulnérabilité chez l'enfant sont l'impulsivité, les difficultés de régulation émotionnelle, les difficultés d’ordre familial, toute comorbidité psychiatrique ou non psychiatrique, des pathologies familiales (psychiatriques ou non), un contexte de harcèlement, de maltraitance ou de négligence grave.
La crise suicidaire chez l'adolescent :
- Les signes de souffrance psychique aspécifiques peuvent être une baisse des résultats scolaires, des conduites à risques , des blessures auto-infligées, des difficultés de régulation émotionnelle, une humeur labile et une irritabilité,
- Les signes spécifiques sont les propos suicidaires, les prises de risque, les mises en danger,
- Les facteurs de vulnérabilité sont toute comorbidité psychiatrique ou non psychiatrique, des pathologies familiales (psychiatriques ou non), un contexte de harcèlement et de cyberharcèlement, la maltraitance ou la négligence grave, les difficultés de régulation émotionnelle.
Attention à ne pas confondre scarification et tentative de suicide.
La crise suicidaire chez la personne âgée :
- Les signes de souffrance aspécifique chez le sujet âgé sont le refus de s’alimenter, le refus de soin.
- Les facteurs de vulnérabilité sont la présence d'un trouble psychiatrique, d'une affection médicale générale à l’origine de handicaps et de douleurs, un isolement social, des difficultés familiales, une maltraitance, un changement d’environnement, un veuvage.
Le risque suicidaire est souvent banalisé chez la personne âgée.
Évaluation
Poser la question de la présence d’idées suicidaires n’induira pas de telles idées ou ne provoquera pas de passage à l’acte.
Identifier les sujets à risque :
- interrogation systématique sur l'existence d'idées et de comportements suicidaires actuels ou anciens,
- les questions posées doivent être claires et explicites.
Au besoin des outils comme la Ask Suicide-Screening Questions (ASQ) peuvent être utilisés.
L'évaluation de la crise suicidaire repose sur l'estimation de l'urgence suicidaire qui intègre :
- l’appréciation du niveau de souffrance ou de douleur psychologique ;
- après une tentative de suicide : la critique du passage à l’acte et l’intention de réitération ;
- la caractérisation des idées suicidaires : caractère actif ou passif, intensité, fréquence, durée, contrôlabilité ;
- la recherche d’un scénario suicidaire (moyen, date et circonstances)
- l’évaluation du degré d’élaboration du scénario : précision dans le choix du moyen envisagé, précision et proximité de la date, anticipation des circonstances, etc.,
- l’évaluation de la dangerosité du scénario : disponibilité et létalité du moyen envisagé, vraisemblance du scénario ;
- l’estimation du niveau d’intentionnalité suicidaire : velléité de passage à l’acte, recherche ou non d’aide, attitude par rapport à des propositions de soins, projection dans l’avenir ;
- la recherche de facteurs dissuasifs.
L'acronyme DÉCIDE peut aider à être systématique :
- Dangerosité (du moyen envisagé)
- Élaboration du scénario (moyen, date, circonstances)
- Caractérisation des idées suicidaires (nature, fréquence)
- Intentionnalité du passage à l'acte
- Dissuasion (facteurs dissuasifs d'un passage à l'acte suicidaire)
- Émotions, douleurs et souffrance associée
Conduite à tenir
Devant un risque suicidaire, dans le doute on ne s’abstient pas !
Quand orienter le patient vers un psychiatre ?
- Si le risque est avéré ou suspecté : une évaluation psychiatrique complète urgente est nécessaire.
Ne jamais sous-estimer l’urgence suicidaire.
- Il est conseillé de réévaluer la situation (idéalement dans les 48h)
- L'entourage doit être proche, fiable et disponible.
- Organiser et mettre en oeuvre le retrait des moyens suicidaires létaux. En discuter avec le patient et son entourage.
Références
Argumentaire et recommandations concernant l’évaluation du potentiel suicidaire chez l’enfant et l’adolescent de la Haute Autorité de Santé (Mircovic & Notredame, à paraître).
AESP, CNUP, & CUNEA. (2021). Référentiel de Psychiatrie et Addictologie (3e édition conforme au nouveau programme) Psychiatrie de l’adulte. Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Addictologie (Presses Universitaires François Rabelais).